Le mythe du designer artiste
Lorsque l’on évolue dans un domaine dont le suffixe contient “design”, comme le “Web Design” ou “l’UX Design”, on constate rapidement que ces professions souffrent parfois d’un certain égo qui les autorisent à s’auto-proclamer comme étant “des Arts”.
Une vision dont je me suis toujours méfié, préférant considérer le designer comme un “solutionneur de problème(s)” plutôt que comme un “créateur d’oeuvre” dont la main est habitée par les Muses (ou autres transcendances plus ou moins divines).
Pour exercer ce métier, j’ai pourtant fait des études de Communication Visuelle, domaine assimilée à ce qu’on appelle, en langage académique, les “arts appliqués”.
Dans cette expression, c’est curieusement le terme “appliqué” qui est important : contrairement à un artiste, nous “appliquons” un savoir-faire, des règles, un sens de l’esthétique au service d’un projet, celui d’un commanditaire ou d’un client.
L’artiste lui, créée dans l’optique d’aboutir à une oeuvre de l’esprit revêtant ses intentions propres et sa personnalité, comme un réalisateur de film ou un romancier par exemple.
Le designer est donc davantage dans une démarche “artisanale” : “l’artisanat est la transformation de produits ou la mise en œuvre de services grâce à un savoir-faire particulier et hors contexte industriel” (Wikipedia).
Néanmoins, il convient tout de même de reconnaître que cette profession réclame une réelle créativité (et parfois même une vraie originalité) pour trouver des idées pertinentes afin de proposer la meilleure solution graphique, ergonomique ou fonctionnelle aux problématiques du projet qui nous est confié.
Si le rendu finale est “joli”, ce n’est qu’un détail dans la démarche opérée pour faire naître votre site internet.
Résoudre de vraies problématiques
Lorsqu’un client rencontre une agence ou un designer, il dépose un ou plusieurs problèmes à résoudre sur la table : il veut un outil de communication pour être visible sur le Web, créer le prochain Facebook, fidéliser des clients, en toucher de nouveaux, que ces derniers puissent le contacter plus facilement ou encore présenter ses offres / services / produits, etc.
Il vient donc chercher chez son prestataire un savoir-faire, une méthodologie, des compétences spécifiques et parfois même une notoriété pour venir à bout de ses problématiques.
Commence alors un travail de recherche où le hasard aura finalement très peu le droit de citer : recherche d’existants, veille concurrentielle, identification de profils d’utilisateurs types puis prototypage d’une ou plusieurs propositions de solution. Cette démarche est donc davantage à rapprocher d’une enquête policière ou celle d’un laborantin plutôt que d’un Michel-Ange avec un clavier et une souris.
Trouver l’inspiration
Pour démarrer, on a systématiquement besoin de collecter deux choses : de l’information et du visuel.
L’information, on l’obtient grâce à un brief créatif détaillé, en interrogeant notre commanditaire, en analysant ses concurrents, en identifiant ses utilisateurs et / ou clients, en lisant des articles de références, en se basant sur des statistiques.
Pour le collectage de visuel en revanche, c’est une autre affaire. Au même titre qu’une bibliothèque, le Web est une gigantesque mise en réseau des créations et connaissances humaines. On y trouve à la fois le pire comme le meilleur des idées. Dans le champ du visuel, de nombreuses plateformes se sont spécialisées dans le partage de réalisations créatives ou visuelles : Pinterest, Dribble, Behance pour ne citer que les plus connues.
Vous pouvez être sûr que le designer en charge de votre projet navigue sur ces outils plusieurs fois par semaine pour entretenir sa “veille”. Cette veille, c’est un peu la gymnastique matinale du designer.
Elle lui permet de maintenir sa créativité “tonique” et à jour en ce qui concerne les tendances et évolutions (permanentes) de la technique.
S'inspirer des meilleurs
J’écris cet article au lendemain de la proclamation des lauréats des Golden Globes, cette fameuse cérémonie américaine récompensant chaque année le meilleur de la télévision et du cinéma.
Il faut savoir que le Web regorge lui aussi de distinctions récompensant de manière quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou annuelle ce qui se fait de mieux en matière de sites internet : Awwwards, CSS Design Awards, FWA et bien d’autres références plus ou moins influentes dans le domaine.
Une source d’inspiration pertinente qui va chercher ce qui se fait de mieux pour le mettre au service de votre projet.
Afin, l’inspiration est aussi constituée par les expériences, les références et la culture digitale et graphique de votre prestataire. Et là-dessus, chacun a “sa patte”.
On n’invente rien, on assemble
Il y a quelques années, Samsung et Apple s’affrontaient en justice pour revendiquer (entre autre chose) le monopôle des smartphones à “angles arrondis”. Une situation que j’ai toujours trouvé particulièrement saugrenue.
Car, vous l’avez lu plus haut, le designer est une sorte de “chasseur-cueilleur” d’idées, de formes, de couleurs, de typographies qui, une fois assemblées, forment un tout : votre site web. Des idées qui ne sont pas toute sortie de son propre esprit, bien entendu.
Et heureusement ! Si un designer devait systématiquement “réinventer la roue” (j’aime beaucoup cette expression pour parler de mon métier) pour chaque site web qu’il doit concevoir, le coût et le temps de conception et sa consommation de caféine (et probablement d’aspirine) exploseraient.
Car le Web est à un âge où il commence à être “mûre”. Ses utilisateurs ont des habitudes, des réflexes quasi-pavloviens, des intuitions lorsqu’il s’agit de naviguer.
Il serait bien téméraire de bousculer trop violemment leurs usages sous le seul motif d’être “original”. Je vous mets au défi de me citer des sites majeurs qui ne possèdent pas systématiquement les éléments suivants : un menu de navigation, une zone d’en-tête, un pied de page et une mise en page en colonnes. Prenez même l’intégralité de l’année qui vient de débuter pour cela si nécessaire, vous ne trouverez pas.
Votre designer saura vous dire lorsqu’une idée trop “originale” risque de desservir votre projet. Le mauvais designer sera donc celui qui cherchera à vous faire un “joli site”, telle une reproduction sans valeur vendue au pied de la Tour Eiffel. Le bon designer sera celui qui vous concevra un site unique (car à votre image), potentiellement esthétique sans être pour autant déroutant pour les gens qui l’utiliseront.