Cet article a été initialement publié en 2014 puis repris en 2017 pour tenir compte de l’évolution de ce projet prometteur.
Mettre fin à l’obsolescence programmée
En Septembre 2013, le grand public commençait à entendre parler, de manière retentissante, du concept du jeune hollandais Dave Hakkens : Phonebloks, le téléphone modulable pour lutter contre l’obsolescence programmée. Une idée qui germe dans sa tête depuis Décembre 2012. Moins d’un an plus tard, Hakkens poste donc une vidéo sur Youtube qui va récolter plus d’un million de vues en 24h.
Son constat est très simple et va trouver un écho immédiatement auprès des consommateurs d’électroniques que nous sommes tous à différents degrés : Lorsque nous jetons un produit électronique (appareil photo, lecteur mp3 et bien entendu smartphone), nous le faisons car il est tombé en panne, et bien souvent à cause d’un seul composant, quelqu’il soit. Le reste de l’appareil a beau être intact, plus rien ne fonctionnera. Bien sûr, les constructeurs avancent bien souvent le terrible diagnostique : L’appareil doit être remplacé. (après expiration de la garantie, bien souvent).
Un gaspillage financier et écologique auquel le jeune designer a décidé de dire « stop » avec cette vidéo, publiée le 10 Septembre 2013, qui en appelle aux investisseurs et industriels pour produire son idée : Un téléphone construit sur un exosquelette, dans lequel se grefferait des composants adaptés à vos besoins et surtout remplaçables, via un store en ligne de composants.
De Phonebloks au Projet ARA de Google
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’appel de Dave Hakkens sera entendu au-delà de ses espérances. En Octobre 2013, une campagne est lancée sur Thunderclap, une plateforme qui a pour vocation de faire entendre votre idée ou message pour lequel les visiteurs peuvent apporter leur soutien moral.
Résultat : +960.000 supporters et une visibilité de 380.000.000 de personnes via les réseaux sociaux, pulvérisant tous les objectifs fixés.
Dans la foulée, Phonebloks annonce un premier partenariat avec Motorola, qui appartient alors à Google, et dont la branche Mobility est elle-même rachetée deux mois plus tard par Lenovo, le géant chinois, pour 2,91 milliards de dollars. Google conserve néanmoins un portefeuille de brevets détenus jusqu’alors par Motolora.
Nous sommes en Janvier 2014, l’équipe bossant sur Phonebloks intègre Google sous l’étendard de l’Advanced Technology and Projects group (ATAP) et le projet est rebaptisé « Project Ara » .
Les évènements vont alors s’accélérer puisque le 3 Avril 2014, une vidéo est publiée sur le site de Phonebloks, montrant les coulisses du projet Ara et présentant l’équipe technique qui travaille activement dessus.
On y découvre que le smartphone sera proposé en 3 tailles différentes avec un prix de départ à 50$. De plus, on y apprend que les modules seront fixés à l’Endosquelette grâce à un système d’électro-aimants qui devrait garantir leur fixation en cas de chute du mobile. Comble de la modernité, les composants sont imprimés grâce à une imprimante 3D ce qui devrait permettre une floppée de personnalisations visuelles. Enfin, inutile de préciser que le téléphone embarquera Android.
Dans la foulée, le 15 et 16 Avril 2014 s’est tenu la première « Project Ara Developers Conference » au Computer History Museum à Mountain View, en Californie, ville où est justement situé le siège de Google. Lors de cette conférence, Google a livré le Module Developper Kit, dispositif qui devrait permettre aux développeurs de commencer à plancher sur la conception de modules pour ce smartphone du futur. Suite à cela, silence radio complet.
Google I/O 2014 : premier prototype
Il faut attendre la Google I/O du 25 et 26 Juin 2014 (conférence annuelle organisée par Google, sur 2 jours, présentant les grandes lignes à venir du géant américain) pour avoir des nouvelles du Projet ARA et voir apparaître le premier prototype fonctionnel, présenté par Paul Eremenko, directeur du projet.
Pardon. Disons « potentiellement fonctionnel » puisque lors de la démonstration, l’appareil a lamentablement planté et le modèle présenté semblait s’être fracassé sur le sol juste avant. A peine perturbé par cet échec, Eremenko clôt sa présentation quelque peu bancale en admettant qu’il reste encore un peu de travail mais « qu’ils y arriveront » avant que la première version commerciale du projet ARA ne voit le jour… dès Janvier 2015 !
Entre temps, le projet est rentré dans sa phase « BETA », au même titre que les Google GLASS. Une centaine de chanceux tirés au sort vont ainsi pouvoir tester l’appareil en exclusivité, ce qui devrait donner les premiers retours utilisateurs puis les corrections qui en découleront. Selon Google, ce mobile pourrait disposer d’une espérance de vie de près de 6 ans.
En terme de tarifs, on entend parler d’une fourchette s’étendant de 100 à 700$, dépendant bien sûr de la taille du modèle ainsi que les modules qui y sont greffés. Rendez-vous donc en Janvier, pleins d’espoir, pour découvrir ce qu’il en sera.
Espérant cependant que le Projet ARA ne serait pas victime de son succès en proposant une sortie trop précipitée qui collectionnerait les bugs de la première heure ou que le SAV n’arriverait pas à suivre, et qui rendrait l’achat des premiers modèles périlleux, comme cela est bien trop souvent le cas lorsque l’on parle de smartphone. (Oui WIKO, je pense à vous, notamment), Google décide alors de lancer une expérimentation grandeur nature.
Dernière escale à Porto Rico avant l’échec
Après la démonstration peu convaincante lors de la Google I/O 2014, le Projet Ara a poursuivi son développement, mais non sans embûches. En janvier 2015, Google a dévoilé le prototype “Spiral 2” et annoncé un programme pilote à Porto Rico, initialement prévu pour cette même année. Cependant, en août 2015, ce lancement est reporté indéfiniment, laissant planer le doute sur l’avenir du projet.
En mai 2016, lors de la Google I/O, une nouvelle version du Projet Ara est présentée, avec des modifications notables : le téléphone se compose désormais d’une base avec des composants essentiels non modifiables, tels que l’antenne, la batterie, l’écran et le processeur, tandis que des modules supplémentaires pouvaient être ajoutés pour des fonctionnalités spécifiques. On sent alors que la firme de Mountain View commence déjà à faire des compromis par rapport à la philosophie du projet initial.
Google prévoie alors de lancer une version développeur à l’automne 2016, suivie d’une commercialisation grand public en 2017.
Cependant, en septembre 2016, Google a officiellement annoncé la suspension du Projet Ara, mettant fin aux espoirs de voir un jour ce smartphone modulaire révolutionner le marché. Les raisons évoquées incluent des défis techniques complexes (on pourra notamment lire que le manque de fiabilité des aimants a joué un rôle majeur), des coûts de production élevés et une incertaine sur l’engouement des consommateurs (ce dont on aurait pu être relativement confiant en voyant le succès critique du Fairphone et les versions qui se sont succédées).
On peut supposer aussi que le projet aurait sans doute peiné à réconcilier des rivaux féroces du monde de la téléphonie mobile autour de marketplace de composants modulables dans les années qui allaient suivre.
Ainsi, malgré des débuts prometteurs et un engouement certain, le Projet Ara n’a jamais atteint le stade de la commercialisation, illustrant les difficultés inhérentes à la réalisation d’un concept aussi ambitieux que celui d’un smartphone entièrement modulaire.