L’innovation est souvent glorifiée comme le Saint Graal du design.
Paradoxalement, en tant qu’UI/UX Designer, mon travail consiste le plus souvent à assembler des bouts solutions éprouvées et familières entre elles pour résoudre les problèmes de manière pragmatique.
La Jakob’s Law, formulée par Jakob Nielsen, nous enseigne d’ailleurs que les utilisateurs préfèrent les interfaces qui fonctionnent de manière similaire à celles qu’ils connaissent déjà. Nous allons y revenir.
Cette préférence n’est pas simplement une question de zone de confort, mais une réaction profondément ancrée dans notre psychologie cognitive. Pourtant, il a toujours été tentant pour nous, designers, poussés par des motivations diverses ( nécessité, opportunité, hasard, etc. ), d’essayer d’inscrire nos créations dans une histoire avec un “H” plus ou moins imposant.
On utilise souvent une expression consacrée pour cela que j’aime beaucoup personnellement : “réinventer la roue”.
Au fil des lignes à venir, je vais vous partager mes réflexions sur la notion d’invention et d’innovation, par le prisme de mon métier de designer / développeur mais pas que !
Suivez-moi et espérons que tout va correctement rouler en chemin !
« Les utilisateurs passent plus de temps sur d’autres sites que le vôtre ! » — Jakob’s Law par le danois Jakob Nielsen, co-fondateur du Nielsen Norman Group
À partir de ce qui s’impose presque comme un Commandement Sacré de mon métier d’UI / UX Designer, que peut-on lire derrière ces quelques lignes ?
Concrètement cela revient à rappeler qu’un utilisateur accumule et se forge une connaissance et une culture des usages de l’informatique et du numérique progressivement, sur l’ensemble des sites qu’il parcourt depuis qu’il est en capacité d’utiliser un périphérique informatique – qu’il soit connecté ou non.
Pour certain·e·s d’entre nous, cela représente tout de même quelques décennies d’expérimentations régulières. À titre d’exemple, votre serviteur a arpenté les pages de résultats de recherche de Lycos à partir de 1999, alors que j’avais 8 ans.
Cette loi repose également sur l'idée que minimiser la nécessité de devoir se former ou bien faciliter cette prise en main, réduisent la friction et améliore l'expérience utilisateur.
Dès lors, qui serions-nous pour vouloir bouleverser des usages parfois durement acquis, au profit d’expériences nouvelles sous le simple prétexte que celles-ci seraient “innovante” ? Innovante, le mot est lâché.
“Innovation (n.f) : qui apporte pour la première fois au marché, ou intègre, ou comporte ou réunit un bénéfice, un avantage décisif, une efficacité ou une solution que n’apportaient pas – ou mal – les produits, services ou procédés existants. (Wiktionary)”
Ce qui m’ennuie dans cette définition, c’est qu’on ressent clairement en sous-texte l’idée d’un “avant” pénible ou laborieux et d’un “après” durant lequel l’innovation déboule enfin et, avec elle, les lendemains qui chantent. Pourtant, l’innovation n’est pas qu’une brise marine rafraîchissante qui pénètre la pièce alors que vous ouvrez en grand la fenêtre un matin d’été, loin de là.
Notre cerveau déteste le changement : c’est comme ça que nous avons survécu.
La psychologie cognitive nous enseigne que les humains ont une prédisposition à préférer le familier au nouveau. Cette aversion pour la nouveauté est enracinée dans des mécanismes de survie évolutifs. Changer de comportement ou d’environnement pouvait autrefois signifier un risque accru pour la survie. Bien que nous ne soyons plus dans la savane, notre cerveau conserve ces instincts de prudence face au changement.
Des études montrent que le changement impose une charge cognitive supplémentaire. Les utilisateurs doivent apprendre de nouvelles façons d’interagir avec un produit, ce qui demande du temps et des efforts.
Vous connaissez d’ailleurs très certainement la célèbre “courbe d’apprentissage”.
Théorisation & mise en évidence de la Courbe d’Apprentissage
Le principe de la courbe d’apprentissage a été théorisé pour la première fois par le physicien allemand Hermann Ebbinghaus dans les années 1880. Ebbinghaus a étudié la mémoire et a introduit la notion que l’apprentissage et la mémorisation d’informations suivent une courbe, illustrant comment la rétention de l’information diminue avec le temps sans répétition. Ces travaux sur la mémoire en ont fait l’un des fondateurs de la psychologie expérimentale.
Ebbinghaus a mené des expériences sur lui-même, utilisant des listes de syllabes sans signification pour mesurer combien de temps et combien de répétitions étaient nécessaires pour mémoriser ces listes et pour combien de temps il pouvait se souvenir de ces listes sans erreurs. Ses recherches ont révélé deux concepts clés :
- Courbe de l’oubli : Montre comment la mémoire d’informations nouvellement apprises diminue au fil du temps si l’information n’est pas répétée.
- Courbe d’apprentissage : Décrit le temps et l’effort nécessaires pour apprendre de nouvelles informations ou compétences. Initialement, les progrès sont rapides, mais ils ralentissent à mesure que l’apprenant s’approche de la maîtrise.
La courbe d’apprentissage est aujourd’hui mobilisée dans divers domaines, y compris l’éducation, l’industrie, et l’ergonomie des interfaces utilisateurs (UI) et de l’expérience utilisateur (UX). Depuis, on a même eu le temps de creuser le sujet en découvrant les règles suivantes :
- Effet de l’Espacement: Les recherches montrent que l’apprentissage est plus efficace lorsqu’il est étalé sur de longues périodes plutôt que condensé en une seule session.
- Apprentissage Adaptatif: Utilisation de technologies modernes pour ajuster les méthodes d’enseignement et les contenus en fonction des progrès de l’apprenant.
Ainsi, nous designers, devons donc peser soigneusement les avantages du changement contre le coût cognitif qu’il impose aux utilisateurs (sans qu’ils ne l’aient toujours sollicité ou réclamé).
Combien de fois ai-je moi-même entendu “On a toujours fait comme ça, et ça marchait plutôt bien” en travaillant avec d’autres designers ? Nous ne sommes même pas exemplaires nous-même avec le changement.
Status Quo
Toujours sur le terrain de la psychologie cognitive, on pourrait aussi bien parler du tout aussi célèbre “biais de status Quo”.
Biais de status Quo : Il est notre tendance à préférer que les choses restent telles qu’elles sont, évitant le changement en favorisant les options ou les comportements existants. Ce biais peut résulter d’une aversion pour l’effort perçu du changement, de la peur de l’inconnu, ou d’une surévaluation des bénéfices de l’état actuel.
Un exemple courant est la réticence à changer de fournisseurs de services, comme les banques ou les opérateurs téléphoniques, malgré l’offre de meilleures conditions ou de tarifs plus avantageux par la concurrence. Toutes les parties prenantes d’un projet numérique doivent donc en avoir conscience.
Tout ce qu’il nous faudrait, la plupart du temps face à un changement, c’est du temps.
Décrit par Robert Zajonc (1968)1, l’Effet de Simple Exposition est un biais cognitif qui se caractérise par une augmentation de la probabilité d’avoir un sentiment positif envers quelqu’un ou quelque chose par la simple exposition répétée à cette personne ou cet objet.
En d’autres termes, plus on est exposé à un stimulus (personne, produit de consommation, lieu, discours) et plus il est probable qu’on l’aime.
Entre-temps, si on peut capitaliser sur des éléments familiers et repères esthétiques essentiels pour adoucir cette transition, ne nous privons pas.
Les formes sont universelles
Tiens, puisque nous sommes en pleine période Olympique en ce moment, parlons un peu de Otl Aicher (1922-1991), voulez-vous ?
Aicher est un designer graphique allemand renommé, qui a été chargé de créer le système de signalétique pour les Jeux Olympiques de Munich en 1972.
Pour ces jeux, Aicher et son équipe ont développé un ensemble de pictogrammes et de signes destinés à guider les spectateurs et les participants à travers les installations olympiques.
Ces pictogrammes devaient être universels, compréhensibles indépendamment de la langue parlée par les visiteurs. Aicher s’est inspiré de formes géométriques simples et d’une palette de couleurs standardisée pour créer des icônes claires et intuitives.
Les pictogrammes d’Aicher se distinguent par leur simplicité et leur clarté. Il a utilisé une grille modulaire et des formes élémentaires pour garantir la cohérence de tous les symboles, ce qui permettait une reproduction facile et une compréhension rapide. Les icônes représentaient diverses activités et services, comme les sports olympiques, les installations de première nécessité (toilettes, points de premiers secours), et les directions.
Le système de signalétique d’Otl Aicher a eu un impact durable sur le design de l’information et la signalétique moderne. Les principes de clarté, de simplicité et de cohérence qu’il a mis en œuvre sont devenus des standards dans le domaine et un véritable cas référence à montrer dans toutes les bonnes écoles de Design.
De nombreux systèmes de signalisation contemporains, notamment dans les aéroports, les transports publics, et les grandes manifestations internationales, s'inspirent des travaux d'Aicher.
Son héritage s’est poursuivi à travers l’utilisation continue de ses pictogrammes et l’influence qu’ils ont eue sur le design graphique et la signalétique.
En effet, 50 ans plus tard, lors des olympiades de Tokyo 2020, les choses n’avaient pas tellement changé, mise à part la mise en scène bien sûr avec cette performance inoubliable lors de la cérémonie d’ouverture …
Apple VS Samsung : des bords arrondis à près d’1 milliards de US dollars
Vous l’avez peut-être oublié, mais en 2011, débutait un conflit juridico-commercial titanesque entre Apple et Samsung.
À l’initiative de la marque à la pomme (comme par hasard …), une action en justice est intentée contre Samsung, accusant le géant coréen de copier le design de l’iPhone.
Apple alléguait que Samsung avait enfreint plusieurs de ses brevets, y compris des brevets sur le design de l’interface utilisateur et le matériel, en particulier les fameux “angles arrondis” de ses smartphones.
Parmi les brevets cités dans le procès, plusieurs portaient sur le design et les fonctionnalités de l’iPhone :
- Le brevet D618,677 : Couvrant la forme rectangulaire avec des coins arrondis.
- Le brevet D593,087 : Décrivant la bordure en forme de biseau entourant le devant de l’appareil.
- Le brevet D604,305 : Portant sur l’interface utilisateur, notamment la disposition des icônes sur un écran tactile.
On pourrait penser que cette farce grotesque allait finir avec un non-lieu. Et pourtant, la guerre entre les deux géants va prendre une ampleur incroyable.
- En avril 2011, la plainte initiale : Apple dépose sa plainte initiale, déclenchant une série de contre-poursuites de la part de Samsung. Les deux entreprises se sont affrontées dans plusieurs pays, allant des États-Unis à l’Allemagne, en passant par la Corée du Sud et l’Australie.
- Le Jugement de 2012 : L’une des étapes clés est le verdict du tribunal californien en août 2012. Le jury a conclu que Samsung avait violé plusieurs des brevets d’Apple et a ordonné à Samsung de payer plus d’un milliard de dollars en dommages-intérêts à Apple. Ce jugement a été considéré comme une victoire majeure pour Apple, bien que Samsung ait rapidement annoncé son intention de faire appel.
- Samsung fait appel : comme prévu, le géant sud-coréen a effectivement fait appel, et plusieurs décisions ultérieures ont réduit le montant des dommages-intérêts. En 2013, la juge Lucy Koh a réduit le montant initial de 450 millions de dollars, citant des erreurs dans le calcul des dommages. Après une série de nouveaux procès et d’appels, le montant final a été fixé à 539 millions de dollars en 2018, une réduction significative par rapport au verdict initial.
- Faites-vous un bisou : en juin 2018, après des années de batailles juridiques, Apple et Samsung ont finalement décidé de régler leurs différends à l’amiable, mettant fin à l’un des procès les plus longs et les plus médiatisés de l’histoire de la technologie. Les termes du règlement n’ont pas été divulgués, mais les deux entreprises ont convenu de mettre fin à toutes les poursuites en cours, permettant à l’industrie de tourner la page sur cette saga juridique.
Vous l’avez compris, l’un des aspects les plus médiatisés du procès a été la question des “angles arrondis”.
Apple a soutenu que Samsung avait copié les coins arrondis caractéristiques de l’iPhone, une caractéristique de design que beaucoup jugeaient trop générique pour être brevetée. Cependant, Apple a argumenté que ces éléments étaient essentiels à l’identité visuelle et à l’ergonomie de l’iPhone, contribuant à son succès commercial. L’affaire a mis en lumière les complexités des lois sur les brevets dans l’industrie technologique, où les frontières entre inspiration et copie peuvent être floues.
Intuitivité et désirabilité dans la nouveauté
Lorsque ce bon vieux Steve Jobs nous annonce que l’invention de l’Iphone, premier du nom “est une révolution”, un certain 29 juin 2007, il met entre les mains de l’humanité un nouveau gadget qui va trouver sa place dans la plupart des poches. À l’époque, le périphérique mesure 4 pouces de diagonale. Depuis, nous sommes forcés de constater que le smartphone rentre un peu moins dans les poches et c’est surtout son prix qui sort un peu moins de toutes les bourses.
Avec ce nouveau gadget “intelligent”, un cortège de nouveaux gestes, que les utilisateurs vont très vite appréhender, déboule.
Enfin quand je parle de gestes “nouveaux”, oui et non… Le swipe par exemple, rappelle instinctivement le fait de tourner une page, tandis que le “pinch” (pincement) pour zoomer s’inspire de gestes naturels d’agrandissement et de réduction.
Cela tombe assez bien, le film “Minority Report” (2002), réalisé S. Spielberg, est justement passé par là six ans auparavant, pour rendre ce type d’interactions futuristes et désirables. Au passage, le film avec Tom Cruise fera de même avec les interfaces translucides et holographiques, qui deviendront la norme à Hollywood car présentant le bon goût de permettre au spectateur de voir ce qu’il se passe à l’écran et la réaction de l’auteur qui interagit avec.
Un certain Tony Stark réalisera un exploit similaire entre 2008 et 2013 avec la franchise Iron Man, rendant du même coup désirable ce qu’Apple appellera humblement ( absolument pas !) “l’informatique spatiale”, dix ans plus tard.
Et pourtant en matière de téléphone et d’intuitivité, on partait plutôt loin. Remontons ensemble en 1963. À l’époque, Bell Telephone travaille sur le téléphone à clavier pour succéder au cadran rotatif. L’anecdote est raconté par Josh Clark dans son livre “Designing for Touch”, sorti en 2014 dans la collection “A Book Apart”.
« Nous voulions tout particulièrement savoir comment le concept de boutons poussoirs influe sur la vitesse, la précision et les préférences de numérotation des utilisateurs », écrivirent les chercheurs. » (…)
Pour le déterminer, ils ont aligné les boutons suivant différentes formes – un arc-en-ciel, une croix, une diagonale, un cercle, et même une cible – avant d’opter pour la grille que nous connaissons aujourd’hui. Ils ont joué sur la taille, l’espacement et la typographie des boutons afin de réduire les erreurs et d’optimiser la vitesse de numérotation, mesurée avec une grande précision. Ils ont demandé aux utilisateurs d’évaluer le confort du clavier numérique afin de déterminer la tension optimale des boutons et le clic émis par chaque pression. Si les designers de Bell Telephone s’intéressaient à l’agencement visuel du clavier, ils étaient bien plus préoccupés par sa perception, le contexte physique de son utilisation.”
Et cela mesdames, messieurs, c’est un cas d’école d’UX Design appliqué par excellence !
Le cycle d’adoption de l’innovation de Everett Rogers (1995)
Le cycle d’adoption de l’innovation, théorisé par Everett Rogers, décrit comment les innovations passent par des phases de scepticisme avant d’être acceptées. Rogers définit l’innovation comme « le processus par lequel une innovation est communiquée, à travers certains canaux, dans la durée, parmi les membres d’un système social »
(R)évolutions et circularité
Peu importe depuis combien de temps vous utilisez internet, je voudrais que l’on s’arrête une petite minute pour vous faire remarquer une chose qu’on pourrait avoir un peu perdu de vue et qui a pourtant eu tendance à beaucoup se répéter dans l’histoire :
Vous voyez peut-être où j’ai voulu vous emmener avec ces exemples. Chacune de ces révolutions majeures du Web, s’est toujours accompagnée d’ingrédients familiers rappelant des repères et références que nous avions collectivement tous (ou presque) en commun, pour en faciliter l’adoption.
Aujourd’hui, j’enseigne auprès de jeunes qui sont nés entre 2000 et 2006. La plupart d’entre eux n’ont jamais tenu une disquette entre leurs mains, pourtant, ils savent tous que cet icône sert à sauvegarder. La génération après eux oubliera peut-être cela, associant l’idée de sauvegarde à un icône de nuage uniquement, voire aucune icône car d’ici là, peut-être que tout se sauvegardera automatiquement ?
L’innovation laisse pourtant du monde au bord de la route
En 2019 (ce n’est pas si vieux), l’INSEE publie une enquête annuelle “TIC-Ménages”. Apparaissent alors les chiffres édifiants suivants :
- 38 % des usagers d’Internet manquent d’au moins une compétence numérique, 2 % n’en ont aucune
- « Si l’on ajoute les non-usagers, 17 % de la population se trouve en situation d’illectronisme».
- Une personne sur quatre ne sait pas s’informer et une sur cinq est incapable de communiquer via Internet
Alors certains pourraient objecter ceci :
Ils n’ont qu’à s’y mettre, ne dit-on pas qu’on peut développer une nouvelle habitude en 3 semaines ?
Si comme moi, vous aviez déjà entendu cela, ce qui va suivre devrait vous intéresser : la théorie selon laquelle il faut environ 21 jours pour développer une nouvelle habitude provient du Dr. Maxwell Maltz, un chirurgien plastique, qui a observé que ses patients mettaient environ trois semaines à s’habituer à leur nouvelle apparence (Maltz, 1960).
Des recherches plus récentes, comme celles de Lally et al. (2009), montrent que le temps nécessaire pour former une nouvelle habitude varie en fonction de la complexité du comportement et peut aller de 18 à 254 jours, avec une moyenne de 66 jours.
Dès lors, l’humanité n’ayant pas des compétences et capacités motrices ou cognitives homogènes, il convient de nuancer fortement la notion même d’intuitivité face au changement.
Un éternel recommencement depuis toujours
S’il est une chose que mon cursus en Faculté d’Arts Plastiques ( j’y suis resté un an, l’année suivante j’ai réussi à m’évader ! ) puis en Arts appliqués m’ont appris, c’est que l’Histoire (et celle de l’Art et du Design, ne font absolument pas exception) est un éternel cycle.
Bref, vous avez compris l’idée. Cette démonstration pourrait se prolonger jusqu’à nos jours sans aucun problème. Alors ce que je vous propose, c’est de nous téléporter directement jusqu’aux 15 dernières années pour gagner un peu de temps.
Windows 8, sort en 2012 sa tristement célèbre interface METRO UI. Rejet colossal de la part d’une immense majorité des utilisateurs. Pourtant, le Flat Design est déjà en marche
Ici encore, je vais m’arrêter là car vous avez compris l’idée de tendance <> contre-tendance, je vais donc vous dispenser d’assister à la fin de ce cours d’histoire du web (pour le moment).
L’Histoire, la mode, le marketing, tout ne serait donc qu’un éternel recommencement ? Ne serait-ce pas parce que nous sommes d’éternels nostalgiques du passé (et terrifiés d’imaginer un futur qu’on ne sait pas représenter autrement que dystopique ?
Nostalgique la génération Y ? La relance de la NES Classic Edition en 2016, une version miniaturisée de la console de jeu originale des années 80.
Nostalgique Steven Spielberg ? Ready Player One, emblème d’une aspiration à un revival des années 80’s.
Chaos, hasard et accidents
Connaissez-vous le “Museum of Failure” ? C’est une collection fondée par le Dr Samuel West, psychologue et chercheur en innovation. Cette collection est constituée de plus d’une centaine de produits et services défaillants conçus par certaines des entreprises les plus connues au monde.
Dans la dernière partie de cet article, on va voir comment l’innovation “finit toujours trouver un chemin” comme dirait Ian Malcolm. Et les portes d’entrées pour accéder jusqu’à nous sont parfois inattendues
L’innovation est une punk !
La série TV “The Playlist” raconte dans quel contexte culturel est né Spotify en Suède dans les années 2000
La fin des années 90 a marqué le début d’une ère de transformation profonde dans la manière dont nous consommons la musique puisque les CD et les puissantes maisons de disques qui les produisent, règnent en maîtres sans partage.
Mais c’est précisément dans ce contexte que deux innovations technologiques allaient changer la donne : le format MP3 et le partage de fichiers en peer-to-peer (P2P).
- Le MP3, un format de compression audio développé dans les années 90, a permis de réduire drastiquement la taille des fichiers musicaux sans sacrifier la qualité sonore de manière perceptible.
- P2P (Peer-to-Peer) : un protocole d’échanges de fichiers de pair à pair grâce à Internet, évidemment soumis aux capacités de débits de l’époque.
Cette double révolution technologique a rendu possible le stockage et la transmission de fichiers musicaux via Internet, ouvrant la voie à une démocratisation sans précédent de l’accès à la musique.
Hello Napster
C’est ici qu’entre en scène Napster, lancé en 1999 par Shawn Fanning et Sean Parker. Napster n’était pas seulement un logiciel de partage de fichiers ; il incarnait une révolution culturelle. Pour la première fois, des millions de personnes pouvaient échanger librement des fichiers musicaux, créant ainsi une immense bibliothèque musicale globale accessible à tous ceux qui avaient une connexion Internet.
Ce modèle de partage en P2P a permis à des morceaux rares, des bootlegs et des albums complets de circuler en dehors des circuits commerciaux traditionnels. Internet est alors encore un adolescent turbulent.
La riposte
Les grandes maisons de disques et les artistes, voyant leurs revenus fondre à cause du partage illégal de leurs œuvres, ont rapidement réagi. En 2000, la RIAA (Recording Industry Association of America) a intenté un procès contre Napster pour violation massive des droits d’auteur. Le procès a été suivi avec passion par le public et les médias, devenant un symbole de la lutte entre l’ancien modèle économique de la musique et les nouvelles possibilités offertes par Internet.
The Pirate Bay : La Désobéissance geek pour l’Innovation
Si Napster avait été le pionnier, The Pirate Bay allait en devenir l’icône rebelle. Fondé en 2003 en Suède, The Pirate Bay n’était pas simplement un site de partage de fichiers ; il était une déclaration de guerre contre les industries culturelles établies. Le procès de The Pirate Bay, tout comme celui de Napster avant lui, a souligné la nécessité de nouveaux modèles économiques pour la distribution de la musique.
Les héritiers
Ces procès ont précipité l’innovation, forçant l’industrie musicale à évoluer. C’est dans ce contexte que des services comme iTunes, puis Spotify, ont émergé, offrant des alternatives légales et attractives au téléchargement illégal.
Spotify, lancé en 2008, a été particulièrement innovant en proposant un modèle de streaming musical par abonnement, transformant la manière dont nous consommons la musique grâce à des premiers algorithmes de recommandations, qui deviendront la norme ensuite.
L’innovation par l’accident
Pour finir sur une note plus légère ce long article, je vous propose de passer en revue les innovations que l’on doit au hasard et des conditions parfaitement accidentelles.
Le Post-it par Spencer Silver & Art Fry de chez 3M
Pour commencer, nous-autres design UX devons une fière chandelle à Spencer Silver et Art Fry de chez 3M. En effet, ce sont les deux personnes à qui on doit une invention que nous autres utilisons quasi-quotidiennement : le Post-it. Ces petites notes adhésives sont nées d’une erreur de laboratoire chez 3M.
En 1968, Spencer Silver, un chercheur de l’entreprise, travaillait sur le développement d’un adhésif super puissant. Cependant, il a accidentellement créé un adhésif qui était faible et repositionnable. Silver a cherché des applications pour cet adhésif unique, mais sans succès immédiat. Ce n’est que quelques années plus tard qu’Art Fry, un collègue de Silver, a eu l’idée de l’utiliser pour marquer les pages de son hymne sans les abîmer. Ainsi sont nés les Post-it, lancés commercialement en 1980 et devenus un succès mondial.
La Pénicilline par Alexander Fleming
En 1928, Alexander Fleming, un bactériologiste britannique, a fait une découverte fortuite qui allait révolutionner la médecine. Après avoir laissé des cultures de staphylocoques sur sa paillasse pendant ses vacances, il est revenu pour découvrir que l’une de ses boîtes de Pétri avait été contaminée par un champignon. Fleming a remarqué que les bactéries autour du champignon étaient mortes.
Ce champignon était Penicillium notatum ( et c’est comme ça que démarre The Last of Us !), et la substance qu’il produisait, qu’il appela pénicilline, devint le premier antibiotique efficace, sauvant des millions de vies depuis son développement et sa production massive durant la Seconde Guerre mondiale.
Marie Curie et la Radioactivité
Marie Curie, une des plus grandes scientifiques féminine de tous les temps, est connue pour sa découverte de la radioactivité. Avec son mari Pierre, elle a mené des recherches pionnières sur les substances radioactives.
En 1898, ils découvrent deux nouveaux éléments, le polonium et le radium. Le terme “radioactivité” lui-même a été inventé par Marie Curie. Malgré son travail révolutionnaire qui lui a valu deux prix Nobel, les effets des radiations sur la santé étaient alors inconnus.
Marie a souffert à la fin de sa vie d’une anémie aplasique, probablement due à son exposition prolongée aux radiations, et est décédée en 1934.
Conclusion
On termine ce long article avec l’histoire de Marie Curie pour qui Innover et changer le monde a aussi signifié sacrifier sa propre vie. Voilà qui a de quoi rendre humble face à des motivations nettement moins altruistes de vouloir à tout prix “réinventer la roue”.
Mais d’ailleurs, avant que je vous libère, parlons-en de cette fameuse roue (après les angles arrondis de Apple & Samsung) ça nous permettra de “boucler la boucle” !